Le temps du règne

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Le temps du règne

Henri IV a trente-six ans lorsqu'il accède au trône de France en 1589. C'est un homme marqué, déjà usé par la vie. Son combat est loin d'être terminé. La plupart de ceux qui l'avaient reconnu roi au chevet d'Henri III mourant se rétractent dès le lendemain. Tout serait plus simple si Henri IV était catholique !

Le nouveau roi finit pourtant par convaincre les plus modérés mais il est loin de faire l'unanimité. En 1589, il est un roi sans royaume défini, un roi sans couronne, un roi sans capitale, un roi sans pouvoir ; la conquête va être longue ; elle va se faire par les armes et sur le terrain politique. En attendant, Henri IV lève le siège de Paris.

 

 [Henri IV avec son panache blanc : scène de combat] / Delpech,
 [Henri IV avec son panache blanc : scène de combat] / Delpech (lithographe) / s. d. / lithographie / Pireneas

 

Henri IV se rend en Normandie. Cette région relativement épargnée par les batailles peut plus aisément supporter le poids d'une armée et la jonction avec des renforts venus d'Angleterre devrait être facilité. Dans les environs de Dieppe, à proximité du château d'Arques, l'affrontement avec le dernier des Guise, le duc de Mayenne, est inévitable.

Le roi de France est en infériorité numérique en hommes et en matériel mais a le choix du terrain. Au terme de douze jours de combat à l'issue incertaine, Henri IV l'emporte. Sachant qu'il ne saurait être un roi incontesté tant que Paris lui échappe, Henri IV revient à marche forcée vers la capitale. Mais la ville résiste. L'hiver approche à grands pas, Henri IV est obligé de se replier. Dès la fin de l'hiver, Henri IV retourne en Normandie voulant rééditer sa manœuvre de l'an dernier.

A Ivry, petit village aux environs de Nonancourt, a lieu le second affrontement entre les unités royales et les troupes du duc de Mayenne, renforcées d'Espagnols sous les ordres du comte d'Egmont. Faire combattre ses adversaires le soleil dans les yeux et contre le vent renvoyant ainsi la fumée des canons, est l'habile et ingénieuse tactique qui permet à Henri IV de compenser son infériorité et de remporter une victoire longtemps incertaine.

 

 Bataille d'Ivry, 14 Mars 1590
Bataille d'Ivry, 14 Mars 1590 / Charles Auguste de Steuben (peintre) / s. d. / gravure / Pireneas

 

Si à Ivry, Henri IV s'affirme comme un brillant tacticien, les mémorialistes sont unanimes pour décrire le roi comme un valeureux et courageux guerrier. Montrant l'exemple à ses hommes, il combat aux avant-postes. Voltaire en fera un récit exaltant et les graveurs sculpteront à jamais l'image d'un homme de guerre. En armure, écharpe au vent, panache blanc flottant sur son casque, chevauchant un beau destrier blanc, Henri IV est magnifique de courage. Où est le vrai ? Où est le faux ?

Oui, Henri IV portait une écharpe blanche, écharpe des huguenots devenus écharpe des royaux, les catholiques ayant opté pour une écharpe rouge qui les différencie.

Oui, Henri IV arborait un plumet distinctif sur son casque, mais ni plus fourni, ni plus grand, et en rien différent de celui d'un autre capitaine d'armée.

Non, Henri IV ne chevauchait pas un cheval blanc pour combattre, un tel destrier, rare et coûteux, était réservé pour la parade, pas pour la bataille !

Non, Henri IV n'était pas au milieu de ses hommes, en premières lignes ou au devant d'eux comme le montrent les graveurs... même s'il était acteur, il ne pouvait pas prendre le risque d'être fait prisonnier ou de se faire tuer. Il faut donc le déplacer de quelques rangs, ce qui n'empêchera pas le roi d'être blessé en 1592 lors de la bataille d'Aumale !

A Ivry, la victoire est chèrement acquise : des milliers de morts restent sur le champ de bataille. Rosny, le futur Sully, y est blessé. Mansuétude du roi pour les prisonniers. Nouveau mouvement des troupes royales vers Paris, comme l'an dernier. Le blocus de la capitale commence le 1er avril 1590.

 

La Procession de la ligue le 5 Juin 1590 pendant le Siège de Paris par Henri 4
La Procession de la ligue le 5 Juin 1590 pendant le Siège de Paris par Henri 4 / s. d. / estampe / Pireneas

 

A l'intérieur des murs, les premiers mois sont difficiles. De grandes processions sont organisées par les Ligueurs qui permettent de galvaniser la foule. Paris subit le pire siège de son histoire mais ne cède pas. L'Espagne décide de venir prêter main-forte aux assiégés et une armée venue des Pays-Bas espagnols se met en marche vers Paris. Pour Henri IV, se remettre en ordre de bataille après un si long siège est impossible, son armée est lasse d'attendre en vain.

 

Abjuration de Henri IV / Cabasson (dessinateur)Alors dans une sorte de baroud d'honneur, Henri IV va permettre le départ de la population la plus miséreuse et autoriser le ravitaillement des maisons princières. Tous ceux qui veulent servir la légende d'Henri IV mettent en exergue cette mesure de clémence, oubliant qu'elle se situe le 20 août, soit près de cinq mois après le début du siège, à un moment où le roi ne pouvait pas ignorer l'arrivée imminente des troupes espagnoles venant secourir la capitale. Geste de libéralité ou calcul politique permettant de sauvegarder l'avenir ? La question mérite d'être posée à défaut d'être tranchée.

Henri IV ne pourra pas être roi et faire reconnaître son autorité tant qu'il sera huguenot. Abjurer est une nécessité mais la procédure pour opérer cette conversion est longue et compliquée, bien plus complexe en tout cas que le "Paris vaut bien une messe" de la légende. Présenter l'abjuration du roi sous une forme gravée est peu fréquent, si peu fréquent que cela paraît presque incongru.

De son vivant, Henri IV ne commande pas de gravure sur ce thème et cela se comprend. Ce n'est pas la première fois que le roi renonce à sa religion, depuis sa naissance… c'est le sixième revirement ! C'est une nécessité politique pour lui d'opter pour la foi catholique, car voilà cinq ans que Paris lui ferme ses portes. Donc, de là à dire que ce serait une abjuration de circonstance, il ne pourrait n'y avoir qu'un pas. Le 25 juillet 1593, Henri IV abjure sur le parvis de St-Denis ralliant dès lors immédiatement la majorité des catholiques à sa cause.

 

Réduction de ParisLa Ligue a perdu. A Paris, les opposants au roi se radicalisent et peu à peu se discréditent par la violence. Les mois passent. Le roi obtient du pape son absolution, désormais plus rien n'interdit son sacre. Le 27 février 1594, à Chartres (et non à Reims, ville ligueuse), Henri, quatrième du nom, est sacré roi de France.

Immense succès pour lui mais là encore les graveurs ne sont pas conviés à relater l'événement. Le 22 mars 1594, le roi entre dans Paris ! Porte Neuve, il est accueilli par les notables. Lhuillier, le prévôt des marchands lui tend les clés de la ville. Symboliquement il se dirige vers Notre-Dame, pénètre dans la cathédrale, fait ses oraisons et écoute la messe.

Puis il se dirige vers le Louvre au milieu d'une foule innombrable. Là, son premier geste est d'offrir sa clémence à tous les opposants à l'exception de cent-dix-huit personnes déclarées indésirables et invitées à quitter la ville. Les troupes espagnoles sont accompagnées aux portes de Paris. Henri IV a un royaume, hormis quelques villes, une couronne et une capitale ! L'essentiel semble être fait…

... et pourtant, deux ans plus tard, l'unité de son royaume n'existe toujours pas et l'état de guerre perdure. Le moment est grave pour Henri IV, il doit trouver de l'argent pour payer ses troupes et finir la reconquête. En 1596, il décide de convoquer l'assemblée des notables qui légitimera les actes à prendre.

Le 4 novembre à Rouen, il prononce le discours d'ouverture : "J'aspire aux glorieux titres de libérateur et de restaurateur de la France (…). Déjà par la faveur du ciel, par les conseils de mes fidèles serviteurs, et par l'épée de ma brave généreuse noblesse (…), je l'ai tirée de la servitude et de la ruine. Je désire maintenant la remettre en sa première force et en son ancienne splendeur (…)".

Voilà comment on obtient la levée d'un nouvel impôt pour trois ans renouvelable. C'est admis par tous et consenti !

 

Assemblée des Notables à Rouen, 4. Nov.bre 1596
Assemblée des Notables à Rouen, 4. Nov.bre 1596 / Alaux (dessinateur) / Schroeder (graveur) / s. d. / estampe / Pireneas

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Débarquement de Marie de Médicis au port de Marseille

Finalement Henri IV parvient à ses fins et le royaume qui aspire à la paix va connaître, à partir de la signature de l'édit de Nantes en 1598 qui met fin aux guerres de Religion, une période de calme et de prospérité. Une femme va symboliser ces années fastes et de quiétude.

Marie de Médicis, après avoir été mariée par procuration à Florence, débarque à Marseille le 3 novembre 1600. Henri IV se fait dignement représenter et dit l'attendre à Lyon retenu par des obligations… qui sont certes réelles (la guerre de Savoie) mais aussi peu avouables (Henriette d'Entragues). Marie de Médicis aurait rêvé d'un meilleur accueil !

 

Le Débarquement de Marie de Médicis au port de Marseille
Le Débarquement de Marie de Médicis au port de Marseille / Petrus Paulus Rubens / A. Gouyon (graveur) / 1830 / Pireneas

 

La première décennie du XVIIe siècle s'achève avec les rumeurs d'une nouvelle guerre contre l'Espagne. Sous le regard de son jeune fils Louis, Henri IV confie à Marie de Médicis le gouvernement du royaume.

Le roi a rassemblé son armée et va quitter la capitale dans quelques jours. Ces deux dernières gravures mettant en scène Marie de Médicis sont des reprises de tableaux de Rubens. En 1622, elle commande à Pierre-Paul Rubens, peintre flamand, une série de 24 tableaux pour décorer la galerie occidentale du premier étage de son palais du Luxembourg (actuel Sénat).

L'artiste qui utilise volontiers le type allégorique dans ses représentations restera singulièrement très sobre pour cette scène de régence.

 

 Henri IV confie à la Reine le gouvernement du Royaume
 Henri IV confie à la Reine le gouvernement du Royaume / Petrus Paulus Rubens / Lemaître (graveur) / 1830 / Pireneas

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