Sous les derniers Valois

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Sous les derniers Valois

Dans la nuit du 12 au 13 décembre 1553, Henri IV naît. Lors de l'accouchement, Jeanne aurait, dit-on, chanté en béarnais pendant l'enfantement pour ne pas avoir un enfant « rechigné ». Juste sorti du ventre de sa mère, le grand-père se saisit de lui et donne en contrepartie à sa fille son testament : "Ma fille, voilà qui est à vous, et ceci est à moi".

 

 [Naissance d'Henri IV] / Laffitte (dessinateur)
 [Naissance d'Henri IV] / Laffitte (dessinateur) / s. d. / estampe / Pireneas

Ici, une des nombreuses gravures reprenant plus ou moins fidèlement le tableau d'Eugène Deveria où le grand-père Henri II d'Albret montre fièrement son petit-fils à l'assemblée réunie et aux émissaires espagnols présents : "Voyez maintenant, ma brebis a enfanté un lion" clame-t-il à l'assistance, répondant ainsi aux sarcasmes qui avaient accueilli la naissance de sa fille Jeanne.

 

Naissance d'Henri IV / Devéria, Eugène (1805-1865)
Naissance d'Henri IV / Devéria, Eugène (1805-1865) / gravure / s. d. / Pireneas

 

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Antoine de Bourbon

Présent à Pau, lors de la naissance de son fils qui est aussi son héritier, Antoine de Bourbon, premier des princes de sang (c'est-à-dire l'héritier présomptif du trône après les fils de France) est un homme effacé. Il n'a pas son mot à dire en Béarn où il est, le seigneur de sa femme. Aussi cette gravure montrant Henri dans les bras de son père n'est que pure invention.

 

Henri IV. Entre les bras de son Père / Revoil, Pierre-Henri (dessinateur)
Henri IV. Entre les bras de son Père / Revoil, Pierre-Henri (dessinateur) / lithographie par Delpech / Pireneas

Nommé en lieu et place de son beau-père à la mort de celui-ci, gouverneur et amiral de Guyenne, Antoine de Bourbon est plus souvent à la cour de France dans le but avoué d'obtenir quelque chose pour son fils, que dans les terres d'Albret. Au début de novembre 1556, le couple et l'enfant font route vers Paris. Pour Antoine, présenter son fils aîné au roi de France est une obligation de vassalité.

 

Henri IV âgé de 15 ans nommé Généralissime après la bataille de Jarnac / Laval, P. L. de (peintre)
Henri IV âgé de 15 ans nommé Généralissime après la bataille de Jarnac / Laval, P. L. de (peintre) / s. d. / Pireneas

Voici un épisode historique très important de l'enfance de notre Béarnais : sa mère Jeanne d'Albret le présente à l'armée huguenote, à La Rochelle en 1569. Ce jour-là il devient chef de parti, il a alors seize ans. Dans le camp catholique on trouve le duc d'Anjou, futur Henri III. Du haut d'une colline, l'adolescent regardera le déroulement de la bataille de Jarnac prédisant avant tout le monde la défaite. "Nous perdons notre avantage, et la bataille par conséquent" dit-il rageant de ne pas pouvoir se mêler à l'action, du fait de son jeune âge.

Ce premier face-à-face Anjou-Navarre se poursuivra pendant vingt ans, jusqu'à leur réconciliation après bien des péripéties à Plessis-les-Tours en 1589. Le jeune garçon qui est en léger retrait à la gauche de Jeanne d'Albret est Henri Ier de Condé. Ce jeune garçon, cousin d'Henri, sera un de ses compagnons d'armes. Homme de tempérament et de conviction, il sera long à persuader afin d'abjurer et épouser la foi catholique après la Saint-Barthélemy, alors que le roi de Navarre se soumettra sans réticence. Brillant combattant, Henri Ier de Condé s'illustre à la bataille de Coutras en 1588 au cours de laquelle il reçoit une mauvaise blessure.

Il meurt peu après. Ce qui surprend dans la vision du graveur, c'est qu'il rajeunit Henri Ier de Condé pour le représenter comme le cadet d'Henri IV, symbolisant ainsi l'image du roi protecteur, alors que dans la réalité il est son aîné d'un an.

 

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Marguerite de Valois

La vie du couple Henri de Navarre - Marguerite de Valois est faite de longues séparations. À Nérac, leur principal lieu de résidence, l'entente s'avère loin d'être parfaite. Henri de Navarre décide d'accompagner sa femme à Poitiers la confiant à la reine-mère chargée de la raccompagner à Paris.

Il regagne Pau et ne tarde pas à pendre pour maîtresse Corisande d'Andoins. A Paris, Marguerite de Valois est accueillie fraîchement par son frère Henri III, qui lui reproche tout autant qu'à son époux leurs mœurs dissolues. Marguerite de Valois, fidèle catholique, lui est plus utile auprès d'Henri de Navarre redevenu protestant et ayant pris la tête de la contestation, qu'à Paris. Ainsi, le roi prend prétexte d'une désobéissance de sa sœur pour la renvoyer auprès de son mari. On est en 1583, la jeune femme prend la direction de Nérac à très petite allure pendant que les deux Henri discutent de son « cas ». Le couple navarrais sera reconstitué en 1584 mais pour Marguerite, incapable d'avoir d'enfant, la répudiation est inéluctable.

Avec la mort du frère cadet du roi, la donne change : Henri de Navarre devient en vertu de la loi salique l'héritier présomptif du royaume et pardonnera encore moins les écarts de sa femme. En 1585, Agen se révolte contre elle. Henri de Navarre retrouve sa liberté.

 

La Reine Marguerite arretée par les soldats d'Henri III
La Reine Marguerite arrêtée par les soldats d'Henri III / s. d. / estampe / Pireneas

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Catholiques et protestants

Le dialogue de sourds entre catholiques et protestants se poursuit. En 1586, au château de Saint-Brice à côté de Cognac, de nouveaux pourparlers s'engagent mais chacun rejettera la faute sur l'autre. La conférence ne mènera à rien.

Henri de Navarre accueille la reine-mère Catherine de Médicis, ainsi : "Madame, je n'en suis pas cause : ce n'est pas moi qui vous empêche de coucher dans votre lit, c'est vous qui m'empêchez de coucher dans le mien".

"La peine que vous prenez vous plaît et vous nourrit : le repos est le plus grand ennemi de votre vie" (Hardouin de Péréfixe dans "Histoire du roi Henri le Grand").

 

Henri IV et Catherine de Médicis / Borel, Antoine (1743-1810?)
Henri IV et Catherine de Médicis / Borel, Antoine (1743-1810?) / s. d. / estampe / Pireneas

Le royaume est coupé en deux, c'est l'anarchie. A tout moment la couronne peut changer de tête. À Paris, le peuple gronde et accueille à bras ouverts Henri de Guise, qui est quasiment en révolte ouverte contre Henri III depuis 1585.

Les catholiques les plus intransigeants se regroupent en une "Sainte Ligue perpétuelle offensive et défensive" avec l'accord du roi d'Espagne. Devant ce coup de force, le roi de France se barricade au Louvre, Henri de Guise apparaît le seul capable de maintenir l'ordre.

Henri III tente pourtant de garder l'initiative et fait rentrer dans les villes des troupes armées. La réaction du peuple est sans appel : le 12 mai 1588, Paris se soulève. Le lendemain, Henri III fuit et s'installe à Chartres. Dans le royaume c'est la stupéfaction : le roi a été bouté hors de Paris !

 

Les Barricades 12 Mai 1588 / Bellangé (dessinateur)
Les Barricades 12 Mai 1588 / Bellangé (dessinateur) / s. d. / estampe / Pireneas

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Henri III de France et Henri III de Navarre ...

... ont désormais un objectif commun : lutter contre les Guises. Mais l'antagonisme religieux entre les deux hommes empêche tout rapprochement intempestif. Cependant des contacts sont établis, tandis que sous la dictée des Guises, le roi de France accepte de reconnaître la Ligue, Henri III de France est acculé, traqué, discrédité.

Pour essayer de reprendre le contrôle de son royaume, il n'a plus qu'une solution : se débarrasser des gêneurs quitte à se retrouver seul contre tous. Le 22 décembre 1588, il fait assassiner Henri de Guise et le lendemain son frère Louis, décapitant de fait la Ligue et le parti catholique de ses deux représentants les plus brillants. Il n'a plus face à lui désormais que Henri de Navarre qui semble chercher la conciliation.

Le 5 janvier 1589, Catherine de Médicis, important obstacle à toute réconciliation aux yeux des huguenots car jugée responsable de la Saint-Barthélemy, meurt de vieillesse. Les émissaires des deux camps mènent bon train les négociations. Le 30 avril à Plessis-les-Tours, la rencontre entre les deux Henri valide la trêve, les deux rois ne s'étaient pas revus depuis 1576 !

 

1589 : Plessis-les-Tours, réconciliation des deux Henri
Je hais ... je veux punir. La Henriade / Vernet, Carle (1758-1836) / estampe / s. d. / Pireneas

Trois mois plus tard alors que les deux rois et leurs troupes ont fait cause commune, ils prennent la route de Paris toujours en rébellion. Au camp de Saint-Cloud, Jacques Clément jeune jacobin, est introduit auprès d'Henri III de France porteur d'une lettre des ligueurs parisiens : c'est l'attentat. Henri III est blessé au ventre.

Devant témoins, le mourant lègue sa couronne à Henri III de Navarre, demandant aux présents de le reconnaître comme leur nouveau roi. Il meurt le lendemain le 2 août 1589.

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